Noël Koutéra Bataka : « Notre objectif est de boucler la cartographie des sols du Togo avant fin 2020 et d’évaluer leur fertilité »

Dans cette grande interview accordée à nos confrères d’AFRIMAG, le ministre de l’Agriculture, de la production animale et halieutique, Noël Koutéra Bataka, fait le point sur la transformation de l’agriculture togolaise et l’état des bonnes relations entre le Togo et le Maroc dans le cadre de cette modernisation en lien avec le grand programme de fertilisation des sols du Togo où le secteur de l’agriculture représente 40 % du PIB. Le pays s’est d’ailleurs engagé depuis quelques années dans de grands programmes de transformation de son agriculture avec divers instruments initiés et déjà opérationnels. Nous vous proposons l’intégralité de l’interview du ministre Bataka.

AFRIMAG : Le Togo a affirmé solennellement, lors du dernier Forum national du paysan togolais (FNPT) de Kara, sa ferme volonté de moderniser tout azimut son secteur agricole. Pouvez-vous nous éclairer sur les mesures qui seront prises et les projets que vous comptez réaliser pour atteindre vos objectifs ?

Noël Koutéra Bataka : Je vous remercie de l’opportunité que vous m’offrez à travers votre magazine de faire le point sur la transformation de l’agriculture togolaise et de l’état des bonnes relations entre le Togo, notre pays, et le Royaume du Maroc dans le cadre de cette modernisation.

Le Forum national du paysan togolais (FNPT) est un cadre d’échanges, de partage d’expériences, de négociation et de contractualisation entre les acteurs des chaînes de valeurs agricoles d’une part et d’engagement dans une approche plus concertée sur les différents objectifs d’autre part. La 12ème édition, la dernière en date,  s’est tenue du 23 au 25 janvier 2020. Elle avait pour thème : « Plan d’urgence du gouvernement pour la transformation agricole au Togo ». Ce plan d’urgence vise à faire de « L’agriculture non seulement un travail, mais un mode de vie », un métier qui nourrit et entretient. Ainsi, à travers l’intervention du Mécanisme incitatif de financement agricole fondé sur le partage de risques MIFA, le développement des agropoles, l’élaboration de la carte de fertilité des sols agricoles du Togo entrepris depuis 2017 par l’Etat à travers sa structure technique qu’est l’Institut togolais de recherche agronomique (ITRA), l’aménagement hydro-agricole à travers l’offensive de l’aménagement de 500 000 ha, le développement d’un écosystème digital avec des solutions numériques innovantes, la promotion de l’exportation des produits agricoles, la Bourse des matières premières agricoles et la structuration des différents acteurs des chaînes de valeurs agricoles, … le gouvernement accompagne les acteurs des filières agricoles pour une transformation profonde et marquée de ce secteur stratégique afin d’atteindre les objectifs du Plan national de développement (PND) en son axe 2. Tous ces projets permettront de faciliter l’accès aux marchés, aux facteurs de production, et aux petits producteurs à travers des modèles de gestion digitalisés. Il s’agit également de structurer les opportunités de développement d’entreprises le long des chaînes de valeur pour les jeunes et promouvoir l’aménagement hydroagricole, fer de lance du développement des pôles agricoles. A terme, il s’agit de doubler le revenu du producteur.

Vous avez annoncé une carte de fertilité des sols couvrant près de 1,2 million d’hectares et bien plus encore pour la fin de l’année. En quoi cette carte de fertilité des sols constitue une étape importante dans l’ambitieuse stratégie agricole du Togo ?

Le sol est le soubassement de toute activité agricole et pour aller vers une agriculture de précision, la connaissance de l’état de fertilité des sols demeure une étape primordiale pour une productivité agricole croissante et durable. La carte de fertilité constitue un outil indispensable de planification agricole. Doter notre pays d’un tel outil permettra de changer de paradigme dans l’appréciation de la fertilité des sols agricoles et la fertilisation raisonnée des cultures pour une production agricole durable. A ce jour, nous avons cartographié 1,2 million d’ha représentant les deux régions septentrionales (Savanes et Kara) et les zones pilotes dans les trois autres régions que sont la Centrale, les Plateaux et la Maritime. 1,8 million d’ha sont aussi échantillonnés sur les 3,6 millions répertoriés. L’objectif est de boucler la cartographie de l’ensemble du pays en décembre 2020. Pour ce faire, des dispositions sont prises.  Et elles sont à deux niveaux. Le premier est relatif au dédoublement des équipes de prélèvement d’échantillons de sol avec deux équipes de 18 personnes pour l’échantillonnage. Ce qui permettra de prélever environ 4 600 échantillons par mission, soit 460 000 ha. Le second concerne l’acquisition d’équipements de laboratoire (auto-analyseur, spectromètre d’absorption atomique, et autres appareils d’accompagnement) afin de multiplier par 3 au moins le volume d’analyse journalier.

Outre l’introduction des techniques de fertilisation raisonnée basée sur une connaissance précise des sols, l’Institut togolais de recherche agronomique (ITRA) a également mis en place, dans un partenariat Sud-Sud innovant, une application baptisée « Ferti Togo », qui place le pays parmi ceux du continent qui ont le plus modernisé leur secteur agricole. Concrètement, en quoi cette plateforme digitale combinée à la carte de fertilité va-t-elle améliorer la vie des agriculteurs togolais ?

L’application « Ferti Togo », est une plateforme digitale d’aide à la décision pour une fertilisation raisonnée des cultures. Cette plateforme va permettre aux producteurs (avec l’accompagnement des agents vulgarisateurs) dans un premier temps de connaitre l’état de fertilité de leurs parcelles. Ce qui était rare avant cette application du fait du coup des analyses de laboratoire. Ces informations sur l’état de fertilité sont disponibles en supports (cartes) téléchargeables pour toute exploitation par tout public s’intéressant au domaine agricole. A travers l’outil « LE CONSEILLER » sur la plateforme, ces informations permettent de faire des recommandations en tenant compte du niveau de fertilité actuelle de la parcelle paysanne, de la culture et du niveau de rendement ciblés. C’est une information capitale qui sera ainsi mise à disposition du producteur lui permettant d’adresser la fertilisation de ses parcelles et cultures par une approche de fertilisation spécifique et raisonnée évitant ainsi la perte de ressources financières. Le producteur verra ainsi améliorer sa production que nous voulons voir doublée, voire triplée.

Vous avez fait du partenariat Sud-Sud, notamment avec le Maroc, un des piliers de votre stratégie de développement de l’agriculture. Vous êtes satisfait et confirmez cette stratégie ? 

Oui, l’Etat togolais à travers mon ministère est satisfait de ce partenariat Sud-Sud qui lie nos deux pays. C’est un exemple de partenariat à promouvoir et consolider sur le continent. Aujourd’hui, avec l’appui du Royaume du Maroc, l’agriculture togolaise est résolument tournée vers sa modernisation. C’est ici le lieu de remercier les premiers responsables de nos pays qui ont eu cette vision d’offrir ce cadre de travail aux structures techniques de nos deux Etats. Les fruits (formation des cadres, équipements des laboratoires, carte de fertilité) sont là pour témoigner de la grandeur de cette vision. Je ne saurais terminer sans remercier le Président de la Fondation OCP, Monsieur Mostafa Terrab pour son engagement et soutien pour la réussite de ce partenariat. Nous souhaitons une meilleure continuation et consolidation de ce partenariat à travers d’autres grands projets dans un futur proche.

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