Lomé la capitale du Togo, surnommée entre temps « la poubelle » à cause de l’état de délabrement de ses infrastructures, a considérablement changé de visage ces dernières années, et ce grâce aux efforts conjugués du gouvernement et de ses partenaires en développement. Cependant, nombreux sont-ils à abuser de l’utilisation de ces infrastructures urbaines, à travers notamment une installation anarchique aux abords des nouvelles routes, aux fins d’exercer des activités génératrices de revenus. Ces personnes, malgré les efforts de sensibilisation des autorités compétentes, s’entêtent à continuer leurs activités avec comme excuse « La route est faite pour que tous les togolais en profitent ».
Il est en effet connu de tous que la ville de Lomé n’est plus ce qu’elle était il y a une dizaine d’années. De nouvelles routes électrifiées et dotées d’infrastructures d’assainissements adéquats ont germé de partout, redonnant ainsi à Lomé le sobriquet « la belle », qu’elle a toujours eue après les indépendances. Malheureusement les bords de ces routes, les trottoirs notamment, sont souvent envahis les soirs par les tenants de bars, ainsi que des revendeurs, obligeants ainsi les piétons à marcher sur la chaussée, ceci non sans conséquences.
Quand des citoyens jouissent excessivement de leur liberté en offusquant celle des autres
Toutes les routes sont en effet faites pour que chaque citoyen en jouisse librement et qu’elle profite à tous ceux qui ont le désir d’y installer une quelconque activité économique. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour laquelle « construction de routes » rime avec « développement économique » des localités où les voies passent.
Toutefois, cette liberté doit s’exercer dans le respect strict des règles établies par l’Etat. Ces règles doivent permettent aux citoyens de jouir convenablement de cette infrastructure sans empiéter sur la liberté des autres. Ce n’est malheureusement pas le cas dans la conception de ces usagers, qui en sont d’ailleurs conscients.
« Nous sommes conscients que lorsque nous mettons des chaises sur le trottoir et sur les caniveaux, ça affecte et rend dangereuse la circulation, et menace même la vie de ceux qui y sont assis. Mais nous n’avons pas trop de choix, lorsque nous avons de l’affluence. De toutes les façons nous avons aussi le droit de profiter de la route pour nous faire de l’argent », a laissé entendre sans aucune gêne, Davi Mensah, responsable et gérant d’un bar de la capitale.
Ce dernier ne cache cependant pas, avoir été convoqué par le commissariat de sa zone d’implantation pour avoir connaissance de la réglementation qui est faite de l’utilisation des routes, afin de s’y conformer mais rien n’y fit.
« Je ne sais pas de quoi les autorités nous reprochent. Moi j’expose mes télés dans la limite exigée, mais les gens au lieu de passer s’arrêtent pour regarder ce qui est diffusé dans mes écrans. Qu’est-ce que je peux y faire ? Moi je dois garder mes télévisions allumé pour attirer la clientèle donc je ne vois pas ce que je dois faire », se justifie pour sa part Yati Kofi, revendeur de télévisions sur l’un des axes routiers de la ville.
Cette situation laisse transparaitre une situation de je-m’en-foutisme de la part de ces gérants de bars, qui dans leur ensemble considèrent qu’ils ont le droit de jouir de la route, ignorant cependant qu’ils empêchent d’autres personnes d’en faire simplement usage.
L’excès de liberté et ses conséquences
Plus qu’une prédiction, vouloir jouir d’un excès de liberté quand à ce qui concerne l’utilisation anarchique de la route, ne peut pas être sans conséquences. La première et non la moindre étant les risques d’accidents.
« Il faut faire comprendre à ces gens que c’est dangereux d’exposer leurs chaises sur la voie, parce qu’en cas de mauvaise manipulation, les usagers risquent de tamponner grièvement, voire mortellement, les clients qui s’y trouvent », s’est emporté sur le sujet CyrilleAmétépé, Président de l’observatoire togolais de la citoyenneté et du développement (OCD).
Aussi loin que cela puisse remonter, les accidents de la circulation ont toujours des causes humaines, allant du non-respect des règles établies et du code de la route, aux actes d’incivisme, en passant par l’imprudence dont font usage certains usagers de la route.
En 2015, au moins 2851 cas d’accidents dont 413 morts , soit 39 morts par mois, et 3871 blessés soit 322 blessés par mois , ont été déclarés par les services de la police et de la gendarmerie nationale. Ces chiffres, même s’ils ont connu une régression par rapport aux données 2014, peuvent être considérablement réduits si chaque citoyen prend conscience des dangers de la route et en font une utilisation plus judicieuse.
Il importe donc que tout opérateur économique qui étale ces marchandises ou ses clients sur la route au-delà de la limite exigée, prenne conscience qu’il s’expose dangereusement à des accidents de la route qui peuvent couter la vie à d’autres citoyens.
« Le temps c’est de l’argent », dit-on souvent. Perdre alors inutilement du temps sur la route, à cause d’une occupation anarchique qui bloquerait la situation, pourrait avoir des conséquences énormes que malheureusement peu de personnes n’en prendraient pas conscience. S’il est vrai que dans les pays occidentaux, la notion de temps est plus comprise et plus respectée, il en demeure aussi vrai que les togolais n’ont pas conscience de l’importance du temps dans leurs activités.
Au-delà de tout, il apparait plus qu’évident que le risque d’accident qui découle de cette mauvaise utilisation des infrastructures routières, notamment l’occupation anarchique des bords de route, constitue la conséquence majeure de cet acte, dont la politique de répression doit aller plus loin que de simples sensibilisations.
Plus de morts sur les routes : La sensibilisation a assez duré
Le gouvernement, dans son rôle de contrôle et de régulation de la bonne utilisation des infrastructures réalisées à coût de milliards par les partenaires à travers différents projets, a effectué dans un premier temps des stratégies de sensibilisation à l’endroit de ceux qui font usage des routes pour des fins économiques.
« Nous menons une véritable guerre contre cette pratique. Nous les avons sensibilisé sur cette mauvaise gestion des routes mais nous remarquons qu’ils s’en tête toujours. Le gouvernement n’a pas besoin de sortir une loi allant dans ce sens, mais ces personnes devraient prendre conscience de la gestion de ces infrastructures parce que cela va dans leur intérêt », s’indigne DjanyiYaovi, chef division propriété foncière à la délégation spéciale de la préfecture du Golfe.
Pour ce dernier, il n’est pas interdit de créer des bars ou de vendre aux abords des routes mais c’est lorsque ces responsables dépassent les limites réelles prescrites que cela pose problème.
« La phase de sensibilisation est passée depuis longtemps. Maintenant, c’est la phase des sanctions qui va s’ouvrir très bientôt. La police a déjà sillonné le grand Lomé pour enregistrer les bars. Ceux qui ne sont pas conformes aux règles seront surpris désagréablement », prévient le bras droit du Président de la délégation spéciale de la préfecture du Golfe.
Tout compte fait, il est de l’intérêt de chaque citoyen de respecter non seulement les règles de l’Etat et des autorités, mais aussi de respecter la liberté des autres citoyens en jouissant de la leur. Point n’est besoin que l’Etat se mette derrière les populations avec des pressions, pour des actes dont elles sont elles-mêmes bénéficiaires.
« La liberté des uns commence là où s’arrête celle des autres », il est temps que les togolais s’inculquent cette valeur essentielle, valeur de base pour l’enracinement de la démocratie de tous Etats.
Joseph Ahodo